lundi 17 avril 2017

Tranchée-abri "de circonstance" à Bercy

Au milieu des voies de Bercy, là où les bulldozers municipaux viendront bientôt tout démolir pour édifier des tours, il était urgent de recenser ce petit patrimoine oublié, témoignage précieux d'une histoire pas si lointaine.


C'est Gilles Thomas qui nous servira de guide et puisque nous avons la chance de bénéficier de son savoir, je lui cède bien volontiers la plume.

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Le 11 septembre 1939, la Direction de la Défense Passive (dépendant du ministère de la Défense nationale et de la guerre), rédigea une nième notice provisoire sur « les procédés d’exécution d’abris de circonstance dans les agglomérations urbaines », en particulier pour l’aménagement de tranchées-abris, également dites « de circonstance ».
Les tranchées ou autres abris qui sont dits de circonstance, sont dénommés ainsi car réalisés en temps de guerre, ce qui permet de les distinguer nominativement parlant des abris permanents, car les matériaux utilisés pouvaient être différents… mais également les mêmes, et les procédés éventuellement plus sommaires !
Notons qu’en janvier 1939 il y avait déjà 23 km de tranchées-abris dans Paris et plus de 73 km dans l’ancien département de la Seine (hors capitale), pouvant héberger près de 300 000 personnes. En septembre 1940, le développement linéaire était passé à 32 km (dont 16 km au niveau des anciennes fortifications et plus de 13,5 km dans les parcs et jardins) et 85 km en banlieue.

Elles ne devaient bien évidemment pas se trouver dans la zone d’éboulement des habitations se trouvant à proximité, tout en étant proches des locaux occupés normalement par les personnes appelées à s’y réfugier en cas d’alerte. Celle-ci est aujourd’hui bien cachée car, bien que ses deux trémies d’accès pouvaient la rendre visible vue des cieux éthérés et néanmoins électroniques de Google, elles se situent aujourd’hui sous une couverture de frondaison d’arbres.



Leur capacité devait être au maximum de 30 personnes, sauf si le renforcement du ciel pouvait permettre la résistance aux coups directs de projectiles de 50 kilos (ce qui semble être le cas ici car le toit de couverture n’est ni plan – c’est une voûte – ni à fleur de la surface végétalisée), et dans ce cas la capacité pouvait être portée à 50 personnes. Alors que pour les tranchées-abris standards, la capacité était simplement limitée par la surface de terrain disponible, le développement ne se faisant pas de manière linéaire, mais selon un plan dit « à la grecque », afin de limiter le nombre de victimes en cas de coup au but.


Ces tranchées doivent être pourvues d’au moins deux entrées, l’une débouchant en direction de la construction voisine, une autre spécialement réservée à l’issue de secours.
Ici nous avons deux entrées qui se côtoient mais semble s’éviter, voire carrément se tourner le dos comme dans une « jalousie ».


En fait l’un des accès est orienté vers les habitations ferroviaires immédiatement en contre-bas, l’autre vers les faisceaux de voies ferrées pour que l’entrée dans la tranchée se fasse le plus directement possible, sans avoir à contourner la trémie pour atteindre la porte, et ce quel que soit l’endroit d’où l’on arrive.



La capacité d’une tranchée est toujours calculée au mètre linéaire : soit deux personnes, soit quatre en vis-à-vis, quand la tranchée est suffisamment large. Celle-ci peut être équipée de bancs rabattables, de manière à ce que les déplacements à l’intérieur se déroulent sans entrave ni obstacle pour permettre aux réfugiés d’avancer jusqu’au fond, ce qui ne semble pas avoir été le cas ici.


Quant à la sortie de secours, elle est généralement constituée par un tampon ou une trappe, à l’opposé de l’accès et le plus loin possible des constructions avoisinantes de façon à éviter qu’elle ne soit recouverte de décombres susceptibles de l’obstruer. Cette issue est accessible après avoir grimpé un puits à échelons, et n’avait absolument pas vocation à servir d’entrée, à cause de son étroitesse, de sa structure de cheminée strictement verticale, et surtout du stress d’une alerte provoquant un mouvement de panique incompatible avec son utilisation.






Je tiens à remercier chaleureusement Gilles Thomas grâce à qui ces témoignages patrimoniaux ne seront pas complètement oubliés.
Si ce sujet vous passionne, n'hésitez pas à vous procurer son livre "Abris souterrains de Paris" paru aux éditions Parigramme, c'est un must ! (Publicité gratuite !)

Je ne vous encouragerai pas, bien sûr, à vous aventurer seul sur un domaine ferroviaire, mais si vous avez la chance d'être accompagné par un agent Sncf, pourquoi pas ?


3 commentaires:

le grand barde de PBA a dit…

non seulement le tenancier de ce blog est au top , mais quand il délègue c'est à des personnes de valeur
les compétences du grand barde se limitant à la différence entre le Casanis , le Pastis et le Ricard , si vous avez besoin de moi je suis votre homme

JPD a dit…

C'est bête, je cherchais un spécialiste du pastis Henri Bardouin !

le grand barde de PBA a dit…

le Bardouin c'est la rolls du pastaga , JPD
Vous me direz au bout de 10 verres on ne voit plus trop la différence